Le jeu vidéo est aujourd’hui l’industrie culturelle la plus dynamique au monde, tant en termes de rentabilité que de notoriété. Bien que l’industrie soit en plein essor à l’échelle mondiale, le continent africain jusqu’à présent semblait jusque-là en être épargné. En effet, de plus en plus de développeurs africains prennent une part du gâteau.
L’Afrique n’a jamais fait partie des plans des grands éditeurs et développeurs de jeux. Mais aujourd’hui, différents facteurs indiquent que le continent africain est prêt pour ce marché. D’une part, on assiste à l’émergence d’une classe moyenne plus jeune, plus connectée et plus avide d’ouvrir de nouveaux horizons.
De l’autre côté, le marché africain du jeu vidéo est en plein essor. Surtout, avec la popularité croissante des téléphones intelligents, l’accès et la pratique des jeux électroniques se démocratisent. Comment pouvons-nous donc profiter de cette industrie de jeux vidéos en Afrique ?
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Les jeux vidéos en Afrique : une dynamique en croissance avec une faible légitimité et visibilité
L’Organisation internationale des développeurs de jeux vidéo (IGDA) n’a que sept bureaux de représentation en Afrique. À savoir le Cameroun, l’Egypte, le Nigeria, le Sénégal, l’Afrique du Sud (le Cap), la Tunisie et le Maroc. Par rapport à 54 pays africains, l’existence de cette organisation est estimée à 7,41 %. Parmi les 7 représentants, seuls 3 sont en ligne. À savoir : la présence de sites internet (Nigeria) ou de réseaux sociaux (Afrique du Sud, Nigeria et Sénégal).
La très faible visibilité internationale des acteurs africains de l’industrie du jeu vidéo n’est que la pointe de l’iceberg. En effet, les entrepreneurs et développeurs de jeux vidéo africains sont confrontés à de nombreuses difficultés. Surtout en termes de méthodes de paiement des jeux par les utilisateurs, de problèmes Internet et de manque de talents professionnels. Il y a aussi la main-d’œuvre qualifiée, le manque de chaînes de distribution, le manque de canaux de distribution et de commercialisation. Mais le problème le plus important reste l’énorme difficulté à obtenir un financement.
Olivier Madiba, fondateur de Kiro’o Games, l’un des principaux studios de jeux vidéo en Afrique centrale, a déclaré que le financement est un obstacle majeur. Pour lui, la partie la plus difficile pour la réalisation d’Aurion a été d’obtenir les premiers investisseurs. Car les gens ont tendance à croire que c’est de l’arnaque. Par conséquent, les décideurs politiques et culturels, l’industrie du jeu et les décideurs de l’éducation doivent travailler ensemble. Surtout lorsqu’il s’agit d’accompagner et de soutenir les sociétés de jeux vidéo émergentes sur le continent. En plus du divertissement, les jeux vidéo sont aussi un excellent outil pédagogique pour la formation et l’éducation.
Remédier au défi du financement des jeux vidéo made in Africa
Les nouveaux studios de développement indépendant sont situés à la lisière des grandes entreprises internationales. Ils essaient à leur manière de développer l’industrie du jeu vidéo sur tout le continent africain et dans d’autres régions.
En revanche, ils devront d’abord trouver des solutions créatives aux principales entraves à la structuration de cette dernière-née des industries. Les deux plus importantes, à l’heure actuelle, sont l’accès au financement et la monétisation des jeux produits. Dans cette analyse, nous présenterons comment cela affecte les développeurs et la nécessaire intervention de l’Etat pour soutenir les acteurs de ce secteur.
Débloquer la barrière qui bloque l’accès au financement pour les concepteurs de jeux vidéos en Afrique
L’argent est le nerf de la guerre vous diront sûrement tous les studios africains engagés dans l’industrie du jeu vidéo. Au Kenya (Afrikana Digital), Ghana (Leti Arts), Cameroun (Kiro’o Games), Nigeria (Maliyo Games, Gamsole), Sénégal ( Cyan Girls, Cauriolis) ou Madagascar (Lomay), etc.
À ce propos, Olivier Madiba déclarait dans une interview : « La plupart des créateurs sont vraiment bloqués par le financement. […] Il y a beaucoup de jeunes qui veulent créer, mais aucune banque ne finance le jeu vidéo ici. Comparé à l’Occident, par exemple, où certaines banques ne font que ça. C’est en train d’émerger, mais il n’y a pas encore de fonds, de capital risque, de mécènes qui croient en cela. Donc c’est sûrement le plus grand frein. »
Pour surmonter ce frein et contourner les taux d’intérêt élevés proposés par les banques, les entrepreneurs du continent disposent de leviers alternatifs. Comme les prêts à taux zéro octroyés par Afrique Innovation, doté de 550 000 euros par l’Agence française de développement(AFD). Ou encore les fonds d’amorçage (Teranga Capital) et de capital-risque (incubateur MEST Africa) et les business Angels (Cameroon Angels Network et Ivoire Business Angels). Ou également les concours et bourses, et enfin le financement participatif (BuntuTeki de CTIC Dakar).
La bouée de sauvetage : le financement participatif à la rescousse
Les développeurs africains comptent principalement sur leur propre financement, le financement participatif et la sous-traitance de studios étrangers à grande échelle. Ou signez un contrat avec une entreprise locale qui souhaite créer des jeux éducatifs à des fins de formation ou de sensibilisation. Au Maroc, le PDG et cofondateur de Funsoft Hatem Ben Saïd n’a compté que sur lui et ses actionnaires pour faire Rangi. C’est le premier jeu africain en réalité virtuelle. Chaque centime du million de dirhams du coût de création des jeux est financé par des fonds propres.
En Tunisie, le premier studio indépendant de jeux vidéo, Digital Mania, a survécu justement grâce à la sous-traitance. Il s’agit de leur premier jeu Defender qui n’a pas obtenu le succès escompté. Walid Sultan Midani, le fondateur et PDG du studio, l’a reconnu. Il a déclaré : « Depuis 2013, cela nous a permis de développer nos compétences et de gagner un peu plus financièrement ». Au Cameroun, les jeux vidéo PC Aurion sont disponibles sur Steam et ont été financés grâce à l’equity crowdfunding. Ce dernier est une autre option pour le conservatisme bancaire qui n’est pas trop enclin à l’innovation. Une stratégie méconnue sur le continent africain leur a permis de lever près de 183 000 euros (120 millions de francs CFA environ). Le studio s’appuie sur cette expérience réussie pour guider et accompagner les jeunes pousses. Ces derniers veulent aussi se lancer dans cette aventure, parfois risquée, mais nécessaire.
Par conséquent, les caractéristiques émergentes de cette industrie nécessitent l’intervention de l’État. Ce dernier doit accompagner les concepteurs et favoriser le développement du département. Cependant, en Afrique, le gouvernement est toujours réticent à octroyer des subventions ou des fonds à l’industrie émergente du jeu vidéo. Une situation très triste a fortement limité l’expansion de cette industrie. Surtout quand il est bien connu que faire des jeux vidéo de haute qualité nécessite beaucoup de capitaux et de ressources techniques. La production du jeu PC Aurion : l’héritage des Kori-Odan, par exemple, a nécessité 13 années de développement et 120 millions de FCFA. Beaucoup d’autres projets ont ainsi vu le jour sur Kickstarter ou d’autres plateformes de financement participatif.
Questions économiques de l’industrie des jeux vidéos en Afrique
L’industrie des jeux vidéo est le laboratoire de nouveaux modèles d’affaires ainsi que de nouvelles manières d’engager activement les consommateurs. En Afrique, cette industrie fleurit grâce au développement du numérique. On assiste de plus à l’apparition de nouveaux studios indépendants. Dans la première partie, nous avons traité des facteurs ayant contribué à cette croissance ainsi que les défis liés au financement.
Ici, le modèle économique du secteur des jeux vidéo ne ressemble à aucun autre, que ce soit celui du cinéma, de l’audiovisuel ou des communications électroniques. Entièrement globalisé et mettant en scène des acteurs extrêmement hétérogènes, il requiert des investissements colossaux pour la réalisation de produit phare dont un nombre très réduit sera susceptible de rapporter des bénéfices.
En Afrique, c’est le paiement par les opérateurs de téléphonie mobile qui est préféré. Alors que dans les autres continents du monde, ils utilisent des cartes bancaires ou des services de paiement en ligne. Ainsi avec l’existence de meilleur moyen de paiement pour les Africains la vente des jeux vidéos se verra maximiser.
Les jeux vidéos, une alternative rentable pour le continent africain
Le marché du jeu vidéo en Afrique est un marché qui va continuer à se métamorphoser, en suivant les grandes évolutions technologiques de la décennie. Les développeurs africains de jeux vidéo sont encouragés à créer une plateforme africaine de distribution centralisant les jeux d’Afrique ou à négocier une meilleure visibilité et accessibilité sur celles existantes.
Les opérateurs de téléphonie mobile et les fintech auront certainement un rôle à jouer dans l’amélioration de l’écosystème financier. L’État et les universités auront leur contribution à apporter dans la structuration, le soutien et le développement de programmes d’enseignement intégrant les métiers des jeux vidéo.
Bien qu’il soit encore difficile de générer des revenus satisfaisants de la monétisation des jeux vidéo africains, l’espoir demeure et l’avenir s’annonce rayonnant.